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Fiscalité : Contentieux

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Commission Nationale de Recours Fiscal : Défits et perspectives

CNRF : Défits et perspectives

Nombreux sont ceux qui ne connaissent pas la Commission Nationale de Recours Fiscal (CNRF) et ses missions, pourriez vous nous éclairer sur le rôle et les compétences de cette instance ?

 La CNRF est un instrument légal compétent pour statuer sur les recours des contribuables en raison des litiges occasionnés par l’opération de contrôle de leurs déclarations. Elle constitue dans ce sens une garantie au contribuable, principalement eu égard au pouvoir discrétionnaire dont dispose l’administration dans l’exercice de ses missions  de contrôle.

Le législateur, tenant  compte  des  derniers  amendements, a limité ses compétences aux litiges relatifs à :

  • L’examen de la situation fiscale d’ensemble des contribuables en considération du revenu global déclaré ou soumis à l’impôt ; Ainsi, l’administration a la possibilité de procéder à l’évaluation du revenu annuel global déclaré si celui-ci paraît disproportionné par rapport au niveau de dépenses du contribuable ;
  • L’examen de la comptabilité des contribuables dont le chiffre d’affaires déclaré dans le compte des produits et charges, au titre de l’un des exercices comptables soumis au contrôle, est égal ou supérieur à 10 millions de  dirhams ;
  • Et enfin, elle est compétente pour les litiges au titre desquels les commissions locales de taxation (CLT) n’ont pas pris de décision dans un délai de 12  mois.

Les décisions de la CNRF sont, d’ordre administratif et peuvent faire l’objet de recours devant les tribunaux.

 

Si tel est le cas, quels impacts ont alors ces décisions sur la situation des contribuables et sur l’administration ?

Les décisions de la CNRF sont d’une importance capitale eu égard, d’une part, à leur caractère administratif qui leur confère une force exécutoire intrinsèque, bien que leur mise en œuvre relève d’une partie tierce à la CNRF.

C’est ainsi que les décisions sont exécutoires, abstraction faite des recours qu’ils peuvent générer.

Et d’autre part, lesdites décisions sont prises par des sous-commissions dont la présidence est confiée à des magistrats, et comprennent chacune,  deux  représentants  du monde des affaires (100 membre au total) et trois fonctionnaires qualifiés, y compris le secrétaire rapporteur (30 au total) ; membres compétents en matière fiscale, comptable, juridique et économique, qui contribuent à ses travaux et aux décisions prises.

Je profite de cette occasion pour rendre hommage à tous les membres de la CNRF et spécialement Monsieur le secrétaire général, pour les efforts et sacrifices qu’ils consentent dans le but d’aspirer a un niveau meilleur.

 

Depuis sa création, la CNRF fonctionne avec des détachés de l’administration fiscale, n’est ce pas là une entorse aux conditions d’un jugement équitable ?

A l’origine, le législateur a veillé au respect des droits des contribuables et de l’administration dans le cadre de la procédure de rectification des impositions fiscales, il a ainsi permis à la CNRF d’avoir un droit de regard sur l’action de l’administration fiscale en instituant les garanties suivantes :

  • Confier à des magistrats la présidence de la commission nationale et des sous-commissions qui en émanent.
  • Renforcer sa composition par des membres appartenant au monde des affaires représentant les contribuables (100 membres).
  • Renforcer sa composition par des membres fonctionnaires qualifiés dans les domaines de la fiscalité, de la comptabilité, du droit et de l’économie (30 membres).
  • Rattacher la commission directement au chef du gouvernement.

Cependant, ces garanties restent insuffisantes eu égard aux évolutions législatives qu’à connues notre pays notamment en matière de droit du travail, du droit commercial, ou encore en vertu des principes constitutionnels ayant trait aux droits et aux libertés, ou ceux régissant les normes de service public et de ses agents en terme d’obligation, de responsabilité et de contrôle.

Le respect des conditions d’un jugement équitable nécessite une intervention législative, pressante, prenant en considération lesdits principes.

Nonobstant cette carence,  toutes  les  composantes  de  la CNRF demeurent attachées aux règles d’indépendance et d’impartialité au service de l’intérêt général.

Que lui reprochent alors les tiers ?

Comme déjà évoqué, le cadre d’action actuel de la commission permet dans une large mesure de la rendre critiquable par les tiers :

  • Elle n’est ni neutre ni indépendante, au regard des dispositions qui régissent son fonctionnement lesquelles restent, insuffisantes n’ayant pas observé les principes fondamentaux d’indépendance, de transparence,  et  de neutralité censés la régir ;
  • Ses décisions non publiées restent dans ses propres archives, sans accès au public, ce qui déroge aux règles de  transparence;
  • Encadrée par des  règles  et  procédures  stipulées  dans  la loi, jugées insuffisantes pour répondre avec efficacité aux besoins des  délibérations,  notamment  en  termes  de conduite des audiences, de formalisation des décisions, de la langue utilisée, des cas de difficultés de signature des décisions, de règles de remise des  copies, de correction d’erreurs matérielles éventuelles, des règles d’interprétation ou de levée des incertitudes  et ambiguïtés, pouvant entacher les décisions.

Ajoutez à cela l’absence aux audiences de certains représentants des contribuables, ce qui prive les membres de la commission de connaitre les spécificités de l’activité de certaines entreprises ou groupements économiques pour les éclairer et leur faciliter la mission d’aboutir aux solutions appropriées.

Il a en effet été établi par une récente étude que dans 77% des cas de recours devant la CNRF, les représentants des secteurs n’ont pas assisté, dans 18,5% des recours un seul représentant, au lieu de deux prévus par la loi a assisté,  et c’est seulement dans 4,5% des recours que le nombre requis a assisté.

  • Elle ne dispose pas d’un guide pratique, et d’une base de règles de principe tirées de ses décisions, ce qui ne permet pas d’éviter parfois, des positions divergentes voire contradictoires dans certaines questions  identiques.
  • Elle ne communique pas et n’est pas ouverte sur son environnement, ce qui impact sa qualité de service.

 

Quelles actions sont alors entreprises par la CNRF pour remédier à cette situation et tenter de corriger cette opinion des tiers ?

La solution réside, sans doute, dans l’approche législative, faisant valoir des règles complémentaires pour combler ce vide aussi bien au niveau organisationnel, en tant qu’entité autonome, qu’au niveau des procédures qui la régissent.

En attendant la mise  en  œuvre  de  l’approche  législative,  la Commission a d’ores et déjà adopté un ensemble de mesures à respecter, à savoir :

  • La tenue en interne de réunions permanentes afin d’étudier les difficultés résultant de l’application des dispositions fiscales, pour éviter les incohérences dans les décisions émises par la commission, à la lumière de la pratique jurisprudentielle en la matière.
  • Etude sur les travaux de la Commission au cours des trente dernières années, ayant permis de constater un ensemble de faits statistiques sur des cas traités : les cas ayant abouti à une réconciliation ou renonciation, ceux dont les décisions confirment celles prises par les CLT, celles ayant modifié leurs décisions et les cas de rejet de ces  décisions,  ce qui  constitue  un  diagnostic  de la réalité et une base nécessaire à tout plan ou stratégie de travail de la  Commission.
  • L’ouverture sur l’extérieur  par  la  communication  et  la proximité, étant donné l’apport positif des acteurs externes au travail de la Commission, c’est ainsi que plusieurs contacts, réunions et discussions ont été entrepris pour  renforcer  la  coopération.  Des contacts avec certaines universités, écoles supérieures ainsi que l’Institut supérieur de la magistrature, ont également été entrepris pour mettre les décisions de la commission à la disposition des étudiants et recevoir ces derniers ainsi que les attachés de justice dans le cadre de stages et visites de terrain.
  • Communiquer sur ses décisions et les rendre accessibles aux professionnels et pour accéder au souhait de certaines parties dans le cadre de colloques et débats, la commission a conclu un accord avec un partenaire spécialisé pour la publication de ses décisions et l’édition par la commission d’une revue dans ce  domaine.
  • L’élaboration d’un ensemble de règles, comme base d’un projet de statut de la CNRF, qui seront présentées aux membres pour s’y conformer en cas d’approbation ; en attendant de soumettre le projet de statut à l’autorité de tutelle.


Quelle relation entretient la commission nationale avec l’administration fiscale ?

La (CNRF) contrôle le travail de l’administration fiscale suite aux litiges qui l’opposent aux contribuables à l’occasion de la révision des déclarations fiscales.

Toutefois, ses décisions rendues restent susceptibles de recours auprès des tribunaux administratifs.

Dans les deux cas, la collaboration entre les différents intervenants suppose l’existence de relation en vue d’une application saine de la règle de droit.

Il est constaté la répétition de points ligneux dans les recours présentés, et ce en dépit de la stabilité de la position de  la CNRF à leur sujet.

Afin de remédier à cette situation, la CNRF et la Direction générale des impôts ont mis en place une commission scientifique bilatérale visant à identifier les causes de ce phénomène et à trouver les voies d’amélioration, la lumière de la pratique jurisprudentielle en matière fiscale.

Dans ce sens, nous suggérons qu’il y ait une intervention du législateur pour énumérer et limiter les cas de recours contre les décisions de la CNRF devant les tribunaux administratifs, pour donner toute sa force à ce mode alternatif de résolution des conflits et d’ éviter qu’il ne soit juste une déperdition de temps et d’efforts au détriment des intérêts des individus et de l’économie.

les amendements nécessaires aux dispositions régissant  la CNRF, voire doter celle-ci d’un statut particulier précisant les modalités de nomination de ses membres, leur rémunération selon une procédure précise qui observe les règles d’indépendance et d’immunité.

En plus, d’autres obligations à remplir (le serment, la démission, le conflit d’intérêt et la procédure disciplinaire) ; sans oublier de doter la commission d’un budget autonome.

Sur le plan procédural, prévoir des règles régissant la façon de traiter ces litiges avec précision, étant donné leur nature administrative, mettant l’accent sur la transparence, la clarté et l’observation des principes de la procédure contradictoire et de l’optimisation des coûts ainsi que la neutralité  et l’indépendance.

Quelle relation y a-t-il entre la commission et les tribunaux administratifs ?

Il n’existe aucune coopération ou communication entre les deux parties, malgré l’autorité qu’exercent les tribunaux administratifs sur les décisions de la commission susceptibles de recours en tant que décisions ayant un caractère dministratif.

Dans la majorité des cas, la commission n’est même pas convoquée pour défendre sa position devant le tribunal  et la violation procédurale atteint son summum lorsque le recours est initié unilatéralement par l’administration fiscale et le jugement est rendu sans que le tribunal n’ait pris connaissance de la position de la CNRF.

Nous restons persuadés que si l’occasion est donnée à la CNRF d’exposer son point de vue, le tribunal ne fera pas appel à des expertises de façon systématique.

Pour éviter de tels problèmes, nous suggérons d’une part qu’il ait une coopération entre les deux parties pour l’organisation de journées d’études ou de séminaires en présence de tous les  intervenants  et  particulièrement,  la Direction Générale des Impôts, pour traiter les problématiques juridiques soulevées.

D’autre part, la disposition de la commission à accueillir les attachés de justice et les juges des tribunaux administratifs pour connaître le fonctionnement de la commission et plus particulièrement l’aspect technique des litiges.

 

Qu’en est t il de la Problématique de l’indépendance de la CNRF ?

L’indépendance de la Commission vis-à-vis de l’administration fiscale est une question qui revient fréquemment et aussi l’une des demandes et recommandations évoquées dans de nombreuses rencontres et colloques.

Le sentiment de libre pensée et de prise de décisions, fondé sur la règle légale découle de la conviction du responsable des garanties d’immunité dont il jouit ; Ceci ne peut être atteint qu’à travers la mise en place d’un système moderne observant les règles de bonne gouvernance et les principes qui en découlent prévus par les articles 154, 155, 156 et 157 de la Constitution.

A partir de là, et afin de préserver les droits et les garanties des contribuables, promouvoir les solutions alternatives, éviter l’enlisement des litiges devant les tribunaux et de là, encourager l’investissement, nous suggérons d’introduire les principes de la neutralité et de l’indépendance.

 

Comment la CNRF pourrait-t-elle contribuer à l’amélioration du climat des affaires ?

La CNRF joue un  rôle  majeur  dans  l’amélioration  du  climat des affaires, elle est tenue au contrôle du travail de l’administration fiscale dans le respect des indices  de qualité, d’équité tout en agissant dans la simplification des procédures, le respect de la transparence et l’optimisation du temps et des coûts. A cet effet, elle travaille actuellement sur :

  • La consécration du concept d’indépendance dans la prise de décision loin des indicateurs externes politico- économiques ;
  • La consécration du concept de la procédure contradictoire dans les litiges qu’elle traite, tout en accordant aux contribuables l’opportunité de faire valoir leurs argumentaires fondés, dans le but de rendre les décisions acceptables par tous et éviter, à juste titre, le recours à d’autres procédures ;
  • La diligence dans le traitement des recours et la prise de décision les concernant ;
  • L’accès des tiers intéressés et des professionnels aux décisions de la CNRF afin d’en prendre connaissance comme prévu dans l’accord conclu entre la commission et la partie chargée de la publication de ses décisions.

 

 

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