L’administration fiscale se modernise et adopte les meilleures pratiques de gouvernance visant à fluidifier d’avantage sa relation avec son environnement et à tisser une relation de confiance et de transparence pour un meilleur service tourné vers la satisfaction du contribuable. Dans ce contexte, M. Omar FARAJ, directeur général des impôts présente la vision de la DGI et les actions entreprises pour sa mise en oeuvre.
Vous avez été nommé à la tête de la Direction Générale des Impôts en 2015. Quelle a été votre vision et quel plan a prévalu pour sa concrétisation ?
Dans la gestion des organismes publics, je crois fermement, pour l’avoir souvent vérifié, en la prépondérance de trois leviers : la qualité des hommes et des , la qualité des données, la qualité du service ; et c’est simultanément sur ces trois fronts principaux que nous agissons résolument depuis deux ans pour poser les bases d’une administration fiscale de l’excellence.
Au sein de la DGI, nous avons privilégié la concertation et l’intelligence collective, au plan de la démarche managériale que nous avons voulue participative et transparente. L’ensemble des collaborateurs de la DGI se sont mobilisés pour définir notre feuille de route et les chantiers innovants et structurants qui la ponctuent. Nous nous sommes également ouverts sur notre environnement autour des maîtres-mots : dialogue, concertation et partenariat ; et c’est à partir de ces tours de tables, tant internes qu’externes, que nous déployons la stratégie la plus concertée possible pour améliorer nos performances et la qualité de nos prestations.
Les médias ont souvent relayé que la nouvelle stratégie de la Direction Générale des Impôts est axée sur une plus grande » opiniâtreté » au niveau du contrôle fiscal. Qu’en pensez-vous ?
Ils ont partiellement raison car c’est réducteur. Nous avons entamé de profondes mutations qui revoient entièrement le paradigme de notre action. Partant du principe simple que, d’une part, nous avons le devoir de faciliter l’acte fiscal au maximum pour le contribuable et, d’autre part, que nous ne devons plus cantonner un grand pan de nos ressources humaines dans des tâches sans valeur ajoutée, l’option de la transformation numérique de la DGI s’est imposée d’elle-même ; et c’est la détente au niveau de la charge de travail qu’elle a permis qui recentre nos ressources sur les missions à haute valeur ajoutée et à grand impact sur l’équité fiscale perçue, que sont le contrôle et le recouvrement.
Effectivement, nous avons renforcé l’efficacité du contrôle et la transparence de ses procédures à travers le renforcement de notre système d’information, l’automatisation de la programmation par un système d’analyse risque, le recours au contrôle ponctuel, l’encadrement de la procédure du contrôle, l’usage du droit de constatation et la mise en œuvre d’opérations de contrôles conjoints DGI-ADII.
Au plan législatif, le législateur a prévu une procédure équilibrée avec des voies de recours diversifiées : les délais d’intervention au sein de l’entreprise et de notification des redressements ont été réduits, une procédure de déclaration rectificative a été instituée, un seul niveau de recours devant les commissions a été adopté pour plus de célérité, etc.
Les résultats du contrôle ont, en effet, été au rendez-vous en terme de nombre de dossiers vérifiés, de durée moyenne de vérification, de droits recouvrés, de droits émis suite à vérification et de célérité dans le traitement des dossiers par les commissions de recours.
Effectivement, les recettes fiscales se maintiennent malgré la morosité ambiante. Est-ce dû au contrôle fiscal ?
Certes, une meilleure présence au plan du contrôle est déterminante, mais en réalité nous ne contrôlons pas telle ou telle entreprise ; nous examinons des déclarations, de la data ; et, avec la généralisation des télédéclarations et des télépaiements, nous sommes en possession de cette data. Il nous revient alors de mettre en œuvre l’intelligence et la technologie nécessaires pour l’exploiter. Nous nous y attelons et commençons à en récolter les fruits.
Il vous est arrivé de dire que la DGI s’ouvre sur le contribuable. Qu’est-ce que cela représente concrètement ?
C’est aller vers la transparence la plus totale et le meilleur service possible, à travers la mise à la disposition du contribuable de notre système d’information. Par le biais de nos téléservices, nous lui permettons d’être, à distance, au même niveau d’information que nos inspecteurs sur l’ensemble de son dossier fiscal. Il peut consulter sa situation fiscale en temps réel, connaître l’état de ses déclarations, de ses remboursements, de ses restes à payer. Il peut demander des attestations et les recevoir en ligne. Il pourra bientôt suivre le traitement de ses e-réclamations et la panoplie de services ne cessera de s’élargir.
Le contribuable ne se déplacera vers les services fiscaux que pour des questions particulières et pointues ; et, en cela, la DGI s’adaptera également pour fournir dorénavant une prestation de conseil au niveau de ses bureaux d’accueil.
Cela suppose un contribuable averti, lui donnez-vous les moyens d’information nécessaires à l’acquittement de ses obligations ?
Nous avons récemment opéré une refonte totale de notre portail Internet et l’avons entièrement tourné vers le service aux usagers et la vulgarisation fiscale. Notre call center est également mis à leur disposition pour fournir tous renseignements et assistance nécessaires.
A côté des modes d’information classiques que représentent les insertions dans la presse écrite et radiophonique, nous aurons recours également, à partir de cette année, à l’usage des réseaux sociaux et aux partenariats avec les représentants de la société civile et des organisations socio-professionnelles, pour diffuser une information fine et ciblée et surtout, pour tenir compte des feed-back et des attentes de nos publics.
L’information fiscale suscite une autre interrogation de fond, cette fois-ci : la lisibilité et la cohérence des textes fiscaux. Où en êtes-vous dans ce chantier ?
Le chantier de la relecture du Code Général des Impôts et de ses textes d’application a été lancé cette année, en collaboration avec nombre d’organismes partenaires dont la CGEM, l’Ordre des Experts Comptables et des experts professionnels et praticiens de la matière fiscale.
Nos travaux avancent à grande cadence avec pour finalité la clarification et la reformulation de certains passages des textes, afin que la relation avec les contribuables repose dorénavant sur les faits et non sur l’interprétation des dispositions fiscales.
Nous voulons impérieusement réconcilier l’administration fiscale avec son environnement et le contribuable avec son système fiscal.
Vous prônez en effet plus souvent la réconciliation dans vos propos, pensez-vous que les dispositions fiscales de la loi de finances 2017 œuvrent dans ce sens ?
Nous avons adopté, comme de coutume, une approche participative de concertation avec nos partenaires représentant notamment le monde de l’entreprise, pour aboutir à des propositions préalablement consenties pour une exécution sereine des décisions fiscales.
Les mesures adoptées cette année versent en nombre dans une dynamique d’accompagnement de la croissance et de la modernisation de notre tissu économique, d’une part, et dans le sens de la facilitation, de la simplification et de la clarification des dispositions existantes, d’autre part.
Dans le premier volet, nous retrouvons des mesures en faveur de l’investissement, telle l’exonération des sociétés industrielles nouvellement créées pendant 5 ans, l’exonération de la TVA des nouveaux projets d’investissement, la possibilité ouverte aux entreprises déjà existantes d’opter pour l’IS, l’institution de la neutralité fiscale pour les opérations de transfert des biens d’investissement entre les sociétés membres d’un groupe et d’apport de biens immeubles du patrimoine privé au patrimoine professionnel de la société, l’institution d’un régime de neutralité fiscale pour les cessions d’immeubles réalisées dans le cadre de contrat de vente à réméré entre professionnels, l’exonération du micro-crédit de la TVA, la clarification du régime d’exportation indirecte etl’institution d’un régime de transparence fiscale pour les OPCI.
L’encouragement de la recherche et développement et de l’emploi n’est pas en reste avec l’exonération de la rémunération occasionnelle versée par une entreprise à des étudiants inscrits dans le cycle de doctorat, l’institution de l’exonération de l’indemnité de stage de manière permanente, la suppression de la condition relative à l’inscription à l’ANAPEC depuis au moins six mois et j’en passe.
Devant ces nombreuses dispositions fiscales annuelles, qu’en est-t-il de la stabilité fiscale ?
La stabilité du système fiscal est l’une de nos préoccupations majeures au moment de la rédaction du projet de loi de finances. Au fait, ce n’est pas tant le nombre de mesures prises qui pourrait causer un manque de visibilité, mais plutôt des visions qui changeraient d’année en année.
Cela n’est pas notre cas. Notre vision est claire et se fait l’écho des recommandations prises il y a quatre ans lors des Assises nationales sur la fiscalité : mener une réforme progressive du système fiscal vers une plus grande équité fiscale, à travers l’élargissement de l’assiette fiscale et la création des conditions favorisant la concurrence loyale entre les entreprises.
Nous nous y employons fermement et, au contraire, les mesures adoptées nous permettent de moderniser continuellement notre système et de l’adapter aux changements incessants de notre environnement économique et social.