Les voies de recours dans le cadre des marchés publics

La participation à un appel d’offres d’un marché public obéit à un certain nombre de règles et de procédures, toutes régies par le décret N° 2-12-349 du 20 mars 2013. Ces règles et procédures prônent les principes de transparence, de l’égalité de traitement des concurrents et la nécessité de d’ouvrir la voie à toute contestation émanant d’un candidat au sujet des circonstances de déroulement d’un marché public.

Quelles sont les possibilités de recours ?

Les contestations soulevées peuvent être faites avant même le démarrage de la participation à l’appel d’offres ainsi qu’au cours du déroulement de la procédure du marché ou pendant son exécution.

I-Réclamation avant le démarrage de la participation :

Il s’agit essentiellement de toute réclamation que peut soulever un participant si le dossier de l’appel d’offres ne lui a pas été remis. Dans ce cas, le maître d’ouvrage est tenu de lui délivrer, le jour où il s’est présenté, une attestation constatant le motif de la non remise du dossier et indiquant le jour prévu pour son retrait. En cas de non remise du dossier au jour fixé dans l’attestation qui lui a été délivrée, le candidat peut saisir selon le cas, par lettre recommandée avec accusé de réception, l’autorité en charge de ce marché (Le gouverneur, le wali ou le ministre de l’intérieur,), pour lui exposer les circonstances de présentation de sa demande pour l’obtention d’un dossier et la réponse qui lui a été faite.

Si la demande s’avère bien fondée, le gouverneur, l’autorité en question ordonne, par décision motivée, au maître d’ouvrage la remise immédiate du dossier d’appel à la concurrence au requérant ou éventuellement le report de la date d’ouverture des plis si le délai restant ne permet pas au concurrent de préparer son dossier.

 

II- Réclamations et recours relatifs au marché et à son déroulement.

 

Les voies ouvertes à ce niveau sont de deux catégories : une par voie hiérarchique et une deuxième devant une entité administrative prévue par la loi.

 

  1. Le recours de type hiérarchique : Ce recours est ouvert sous forme de réclamation ouverte à tout participant qui peut saisir le maitre d’ouvrage dans les cas suivants :

 

-S’il constate que l’une des règles de la procédure de passation des marchés, prévue par le présent décret, n’a pas été respectée ;

-Relève que le dossier d’appel à la concurrence contient des clauses discriminatoires ou des conditions disproportionnées par rapport à l’objet du marché ;

– Conteste les motifs de l’élimination de son offre par la commission d’appel d’offres ou le jury du concours et qui ont été portés à sa connaissance par le maître d’ouvrage selon les différents types de consultations et d’appel d’offres

 

La réclamation doit être introduite entre la date de la publication de l’avis d’appel à la concurrence et, au plus tard, le cinquième jour après l’affichage du résultat dudit appel à la concurrence.

 

Une réponse à la réclamation est faite à l’intéressé dans un délai de cinq (05) jours à compter de la date de la réception de ladite réclamation. Si le réclamant n’est pas satisfait de cette réponse du maître d’ouvrage, il peut, dans un délai de cinq jours qui suivent la réception de cette réponse saisir, selon le cas, l’autorité supérieure du maître d’ouvrage (le ministre ou le président du conseil d’administration de l’établissement public)

L’autorité supérieure concernée pourra alors soit :

-Suspendre la procédure pour une période de 10 jours maximum, si la réclamation comporte des éléments qui font craindre un préjudice si la procédure est maintenue,

-Ordonner de procéder au redressement de l’anomalie ainsi relevée ;

-Décider d’annuler la procédure.

Si le réclamant demeure insatisfait de la réponse qui lui a été faite ou si la réponse n’a pas été donnée, il peut saisir dans ce cas par un recours administratif, la commission des marchés.

  1. Le recours administratif devant la commission nationale de la commande publique

La commission nationale de la commande publique ( la CNCP) est une entité administrative créée par le décret N° 2-14-867 du 7 hija 1436 (21 septembre 2015 et assure des missions de consultation, d’assistance, d’étude et d’examen de toute question qui lui est soumise en matière de commande publique par les services de l’Etat, les établissements publics et toute autre personne morale de droit public. Elle a pour mission également l’examen des réclamations émanant de toute personne physique ou morale de droit privé soit en qualité de concurrent, d’attributaire ou de titulaire d’une commande publique.

 

Ainsi, un participant à un appel d’offres peut saisir la CNCP (suite à une réponse insatisfaisante dans le cadre du recours hiérarchique ou même sans opter pour ce recours hiérarchique) pour les mêmes motifs que le recours hiérarchique, à savoir :

 

-S’il constate que l’une des règles de la procédure de passation des marchés, prévue par le présent décret, n’a pas été respectée ;

-S’il relève que le dossier d’appel à la concurrence contient des clauses discriminatoires ou des conditions disproportionnées par rapport à l’objet du marché ;

– S’il conteste les motifs de l’élimination de son offre par la commission d’appel d’offres ou le jury du concours et qui ont été portés à sa connaissance par le maître d’ouvrage selon les différents types de consultations et d’appel d’offres

 

Les réclamations sont adressées à la CNCP par lettre recommandée avec accusé de réception, déposées directement dans ses bureaux ou envoyées par voie électronique. Ces réclamations doivent préciser tous les éléments et arguments qui justifient l’objet de la réclamation et être appuyées par les documents et justificatifs nécessaires.

 

Les réclamations sont examinées dans un délai de 15 jours qui suivent leur réception, éventuellement prolongé de 15 jours supplémentaires en cas de besoin.

la CNCP pourra si elle lui s’avère dans la réclamation, l’existence d’éléments plausibles qui justifient son fondement, proposer au chef de gouvernement, la suspension de la procédure d’appel d’offres.

A l’issue de l’examen de la réclamation, et après avoir entendu le rapport présenté par le rapporteur général de la commission, l’organe délibératif peut proposer la décision, selon le cas, de :

 

-Annuler la procédure lorsqu’il s’agit d’une irrégularité substantielle viciant la procédure ;

-Rectifier l’irrégularité en procédant aux modifications nécessaires afin d’écarter les clauses ou prescriptions qui méconnaissent les obligations de mise en concurrence et de publicité et de poursuivre ensuite la procédure, et si l’administration concernée a position contraire, la question est soumise au chef du gouvernement pour décision

-Déclarer la réclamation irrecevable pour manque de fondement juridique valable.

Pendant le recours devant la CNCP, le réclamant ne peut s’adresser à la justice. Dans le cas contraire, l’examen de sa réclamation est suspendu.

Au-delà de tous ces recours, qui sont de type administratif, un entrepreneur participant à un marché public, conserve la possibilité de saisir le tribunal administratif compétent dans le cadre d’un recours judiciaire pour toute contestation ou litige concernant sa participation à un marché public.

 

Marchés publics : Champ d’application et typologie

I- Champ d’application :

La notion de marchés publics recouvre  l’ensemble  des  achats de biens et de services commandés par les administrations publiques et organismes assimilés pour  couvrir leurs besoins qui leur permet d’assurer le service public et sa continuité.

Le décret  2-12-349 du 20 mars 2013 est le texte en vigueur principal qui règlemente les marchés publics. Ce texte s’applique aux administrations relevant de l’Etat ainsi qu’aux établissements publics dont la liste est fixée par un arrêté du ministre des finances. Il s’applique également aux collectivités locales à titre transitoire en attendant l’entrée en vigueur de la loi organique fixant le régime financier des régions et des aux autres collectivités territoriales.

Ce texte exclut du domaine des marchés publics les contrats de droit commun, c’est à dire les marchés négociés et conclus selon les règles applicables en droit privé et il s’agit de prestations dont les conditions d’acquisition sont déjà définies par leur fournisseur et que l’administration ne peut changer. (ex : achat d’un logiciel dont les conditions de licence sont établies par son éditeur sans possibilité de modification).

les prestations qui peuvent faire l’objet de contrats de droit commun sont fixées limitativement par un arrêté du ministre des finances.

Les règles des marchés publics sont basées essentiellement sur un certain nombre de principes généraux qui caractérisent la commande publique et se justifie notamment par la masse colossale des budgets engagés et les enjeux économiques et sociaux qui en découlent. il s’agit notamment de :

1/La recherche et la sauvegarde des intérêts de l’administration car ce sont des achats destinés pour le bien et l’intérêt de la collectivité,

2/La mise en concurrence et la transparence dans la passation des marchés, ce qui implique des règles très minutieuses et complexes de définitions des conditions de participation et de publicité caractérisant tout appel d’offres,

3/L’accès  donné  à l’ensemble des opérateurs et entreprises intéressées pour favoriser la concurrence sur une base équitable,

4/La préférence nationale qui implique une priorité donnée, dans la mesure du possible et lorsqu’il y a des entreprises étrangères qui participent à un appel d’offres, d’introduire un mécanisme de « coup de pouce » aux entreprises nationales, grâce à une majoration des offres des entreprises étrangères d’un maximum de 15%.

5/L’encouragement de la PME par le biais de la réservation de 20% des montants prévisionnels des marchés à cette catégorie d’entreprises.  Ces limites peuvent connaître, au cours de la durée totale du marché, des fluctuations en hausse ou en baisse selon les besoins de l’administration dans la limite de 10% pour  l’augmentation et 25% pour la diminution

 

II- Catégories des marchés publics

1/ les marchés-cadres  :  Ce sont des marchés qui portent sur des prestations ayant un caractère permanent et continu et qui ne peuvent être déterminées à l’avance quant à la quantité à commander.

Ces marchés-cadres sont établis simplement sur la base d’un minimum et d’un maximum en quantité et en valeur, susceptibles d’être commandées. Les maximum sont établis au plus à deux fois les minimums. Ces marchés sont conclus pour une année et peuvent être reconductibles tacitement dans la limite d’une durée totale de 3 ans et exceptionnellement  de 5 ans pour une catégorie de prestations (Gestion des archives, location de véhicules auto, hébergement et infogérance des systèmes informatiques, location de licences de logiciels…)

2/ Les marchés reconductibles : Ce sont des marchés dont les prestations en valeur et en quantité peuvent être déterminées à l’avance par le maître d’ouvrage et présentent un caractère prévisible, répétitif et continu pour chaque année. Ces marchés sont établis pour les mêmes règles de durée que les marchés cadres et peuvent être résiliés à l’initiative de l’une ou l’autre des parties moyennant un préavis. Pendant la durée du marché reconductible, les quantités des prestations à exécuter et le délai d’exécution sont spécifiées sur une commande.

S’il est prévu au niveau du marché, les conditions d’exécution peuvent faire l’objet d’une demande de révision émanant de l’une ou de l’autre parties. En cas d’accord, il est établi un avenant.

A la différence des marchés cadre, le marché reconductible est assorti de l’engagement de l’administration à commander les quantités y fixées, celles de la 1ère année sont arrêtées au prorata de la date de conclusion du marché jusqu’à la fin de l’année budgétaire. Si les clauses du marché reconductible le prévoient, il peut faire l’objet d’une demande de révision de la part d’une partie (notamment lorsqu’il y a une modification des conditions économiques qui fait que l’exécution du marché devient difficile ou impossible). Dans ce cas, et en cas d’accord de l’autre partie, généralement l’administration, un avenant est établi pour acter les modifications. A défaut, il y a résiliation du marché à la demande de la partie concernée.

3/ Les marchés à tranches conditionnelles : Ce sont des marchés comportant une tranche ferme et des tranches conditionnelles portant toutes sur un ensemble de prestations cohérentes, autonomes et fonctionnelles. Seule la tranche ferme doit faire l’objet d’une commande notifiée à l’entreprise; les tranches conditionnelles sont liées à la disponibilité des crédits budgétaires et peuvent être abandonnées en cas de défaut de budget. Dans ce cas, et si le marché le prévoit, l’entreprise peut bénéficier d’une indemnité compensatoire pour le temps de mobilisation et d’attente dont elle a souffert.

4/Les marchés allotis : Il s’agit de marchés établis et répartis en plusieurs lots qui peuvent être exécutés par différentes entreprises attributaires de ces marchés. L’administration peut attribuer plusieurs lots à une seule entreprise et dans ce cas, ces lots font l’objet d’un seul marché.

5/ Les marchés de conception-réalisation : Il s’agit d’un marché dans lequel, la conception de la prestation et son exécution (mise en œuvre) sont confiées au même entreprise dans le cas d’un marché unique. Généralement, il s’agit d’une prestation qui par sa nature doit être fournie en mode clef-en-main. les marchés de conception-réalisation sont attribués par voie de concours et doivent être soumis à l’autorisation du chef du gouvernement après avis de la commission des marchés.